18 - le Temple
Voir aussi :
- Autour de Marc Boegner jeune pasteur de 1905 à 1911
- Sur les pas des "religionnaires fugitifs aoustois"
- Les pasteurs les plus réputés d'Aouste sur Sye aux XIXe et XXe siècles
- Les Pasteurs ayant officié à Aouste
EPOQUE CONTEMPORAINE
Successivement à l’Edit de Nantes, signé en 1598, qui reconnaissait le droit de culte à la religion protestante, les temples ont fait leur apparition. De nombreux temples ont été détruits après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, qui avait octroyé le droit d’exercice du culte aux protestants. En 1791, la liberté de culte est rétablie .
En ce qui concerne le temple d’Aouste, c’est le 13 Août 1833 que fut délivrée l’autorisation royale de construire le temple sur le terrain de M. Latune. Le devis s’élevait à 9218 f. Une aide du « Ministère de la justice et des cultes » de deux fois 1500f et une fois 600f a été perçue pour sa construction.
Le bâtiment très simple est de forme rectangulaire de 9 m sur 16 m ; 8,2 m de hauteur sous plafond, il n'a pas nécessité de plan détaillé,. Le temple devait accueillir 300 personnes assises.
Le temple sera fonctionnel en 1836.
Quatre pasteurs célèbres ont marqué l’histoire locale :
- Daniel Charmier brillant orateur au milieu de XVIIeme siècle, ami du pasteur aoustois De La Faye (fils)
- Tommy Fallot: initiateur de « Christianisme social » à la fin du XIXeme siècle. 70 ans plus tard, son neveu rappelait que « De ses paroissiens pour la plupart modestes cultivateurs ou, à Aouste, ouvriers d'une papeterie ou de fabriques de soie, une communauté fraternelle »
- Marc Boegner, neveu du pasteur Fallot, académicien, a débuté son ministère à Aouste en 1905. « Il a été l'une des plus grandes figures du protestantisme français, l'un des principaux ouvriers du mouvement œcuménique ».
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Roger Chapal , pasteur de 1936 à 1946, il protégea les Juifs, aida les Résistants avant de composer, avec talent, des chants et de la musique religieuse très connus.
Tomy Fallot initiateur du christianisme social et Marc Boegner
1683/1906 Les temples à Aouste sur Sye
Située sur les importantes voies de communication entre Provence et Dauphiné, assez facilement accessible depuis l’Italie, la Drôme a, de tous temps, été influencée par de grands mouvements d'idées. Les cathares et les vaudois y ont déjà critiqué la théologie catholique. à partir de 1550, les guerres de religion marquèrent l’histoire locale, avec entre autres, la destruction des monastères et couvents par le duc de Montbrun. Dans le Valentinois, le début des guerres religieuses pourrait être daté de 1562 avec la prise de la ville par le Baron des Adrets. L’Édit de Nantes (1598) semble être un compromis très politique rapidement mis à mal par la prise de pouvoir de Louis XIII.
Vers 1675, en France, malgré les brimades, les vexations, les restrictions de célébration du culte (comme les interdictions de sonnerie de cloches) et les exclusions de responsabilités politiques, la population protestante était encore nombreuse ; des Aoustois se souvenaient encore du séjour du pasteur Daniel Charmier officiant en 1659, brillant orateur et gendre d'un éminent théologien genevois. à partir de 1681, la discrimination prend de nouveaux aspects, avec une requête à l’Intendant royal pour obtenir que « la recette des tailles soit donnée à un catholique et non à un réformé » (1). En mars 1681, quelques catholiques, aidés par des cavaliers, envahissent et saccagent le temple, jettent le mobilier et la Bible à la rivière, leurs actes seront impunis. Les protestants sont progressivement exclus de toutes les fonctions officielles. En 1681 et 1682, à Aouste, les curés, châtelains, consuls et notables « certifient pourtant la vie paisible des religionnaires » (1).
En 1683, sur ordre de Daniel de Cosnac intriguant évêque de Valence (à l’âge de 24 ans !) et aumônier de Monsieur, frère du roi, les temples d’Aouste, Montclar, Vercheny, Bouvière, Saillans sont détruits (deux ans avant l’édit de Fontainebleau révoquant l’édit de Nantes).
à Aouste, on renforcera la surveillance de la cité pour « pour empêcher les surprises qu’il pourrait arriver sur les bruits des assemblées que les nouveaux convertis font en divers endroits » (22 février 1689) et le consul dresse aussi procès verbal « contre ceux qui ont lu à haute voix, dans une maison particulière, les psaumes et prières des anciens de la religion réformée ». Le 9 mai 1689, l’Intendant oblige les nouveaux convertis à envoyer leurs enfants aux écoles catholiques et « l’emplacement du temple d’Aouste sera donné à la commune pour bâtir l’église neuve » (1)…
Tout est fait pour éradiquer le protestantisme : impôts supplémentaires, exclusions professionnelles (santé, éducation, administration, etc.), interdiction des livres religieux, interdiction de culte, surveillance et dénonciations, destruction du temple, obligation d’éducation catholique, cimetières distincts, sans parler des adjurations forcées sous peine de pendaison. Ainsi à Aouste, de 1678 à 1767, près de cent familles y seront contraintes (abjuration des personnes de quinze ans jusqu’à quatre-vingt-dix ans). Sur la région de Crest, les dragonnades débutent en 1683 pour se terminer en 1694. Deux Aoustois ayant refusé de se convertir ont été condamnés aux galères ; le tailleur Antoine Rialle y est resté de 1745 à 1773, il a été libéré après abjuration. En 1736, le procès verbal de visite par Joseph de Cosnac, évêque et petit-neveu du précédent évêque, indique qu’à Aouste il y a « une population catholique de 160 familles et 80 nouveaux convertis ». Malgré les risques, les difficultés, les peines encourues (envoi aux galères, condamnation à mort), certains protestants refusent de renier leur foi. Très influencés par la petite prophétesse de Saoû, Isabeau Vincent, ils se réfugient au Désert, fuient en Suisse, en Allemagne ou en Hollande : cette guerre civile a fait dire à Michelet qu’il n’y a « rien de semblable dans toute l’Histoire du monde ». Les archives communales (disposant d’une partie des archives paroissiales antérieures à la Révolution) conservent une affiche signée Jean Antoine Jomaron, Conseiller du Roy et trésorier de France à Grenoble, cette affiche « à apposer à la porte de l’église paroissiale d’Aouste » est datée de 1746 : elle indique les «Biens des religionnaires fugitifs à affermer ». Quatre noms de « religionnaires » y figurent : Pierre Chabert, Anne Brachet, Suzanne Point, Charles Guérin… (1) : « Désastre politique, moral et économique ».
Il faudra attendre 1795 pour que la liberté de culte soit rétablie en France, le Concordat de 1802 organiser aussi le culte protestant.
Le Temple en 1910
Divers textes, à partir de 1834, traduisent les étapes de la construction du temple actuel :
En 1835 le consistoire de Crest demande au Ministère des cultes et de la justice la construction d’un temple en bordure de la route royale 93 reliant Valence à Sisteron, l’autorisation royale est datée du 13 août 1835.
Le terrain (3 ares 2 centiares) a été cédé par M. Latune, papetier habitant à Crest, pour la somme de 520 francs.
Le devis estimatif note aussi :
« Le temple doit contenir 300 personnes assises, …dimensions : 16 mètres de longueur, 8 mètres de largeur, hauteur sous plafond de 8 mètres …. La construction est si simple qu’on juge inutile d’en faire un plan ».
La souscription volontaire a rapporté la somme de 4232 francs, le devis est de 9218 francs.
En 1836 et 1837, « les secours d’état fournis par le garde des sceaux, Ministre de la justice, secrétaire d’état et de la justice et des cultes » s’élèvent à deux fois 1500 francs (2).
En 1838, autre « secours d’état » de 600 francs (2).
1856 : 251 habitants sur 1254 sont de religion réformée (3) et, en 1861, 300 réformés sur 1215 habitants (4).
La construction fut suivie par le premier pasteur nommé à Aouste, Pierre Servières, né à Nîmes le 30 mai 1808. Il était connu pour « sa moralité, sa piété, sa conduite, ses talents oratoires, et sa doctrine ». Il fut installé dans sa nouvelle paroisse le 20 juin 1834. Il desservait alors Mirabel-et-Blacons, Piégros-la-Clastre, Lambres, Divajeu, Chabrillan, Auriples, Soyans, Francillon, Puy-Saint-Marin, Saoû et Célas. Quelques années plus tard, le pasteur d’Aouste a seulement en charge les communes de Mirabel-et-Blacons, Saoû, Puy-Saint-Martin, Grâne (5).
Par ailleurs, l’exercice des cultes religieux est strictement contrôlé par le préfet, que ce soit la célébration des fêtes officielles, la composition du conseil presbytéral, les indemnités de logement ou la réfection des peintures (5). C’est ainsi qu’une lettre du sous-préfet de Die demande en 1844 à la mairie d’Aouste, de fixer à 300 francs l’indemnité de logement du pasteur, compte tenu que le prêtre résident perçoit, « depuis un temps immémorial » une indemnité de logement de 200 francs et que le pasteur doit se déplacer dans diverses communes : Aouste réglera 125 francs, Mirabel 50, Saoû 75, Puy-Saint-Martin et Grâne 25 chacune (6).
Les deux pasteurs les plus connus qui ont desservi le temple d’Aouste sont Tommy Fallot de 1895 à 1904 - le promoteur du Christianisme social et de la lutte pour le relèvement de la morale publique - et son neveu Marc Boegner qui, de 1905 à 1911, sera l’apôtre de l’unité des chrétiens (7).
Suite à la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, le président du consistoire de Crest, M. Faure, transférera le 23 mai 1906 à l’Association dite Église Réformée d’Aouste représentée par M. Boegner et M. Latune Charles « les biens mobiliers et immobiliers » ; biens répertoriés dans l’inventaire effectué par M. Fontaine inspecteur des domaines à Valence.
Sources :
(1) – Archives Communales Aouste : 1594-1790 : BB 19 et GG 10.
(2) - Copies d’actes originaux et du devis détaillé de la construction.
(3) - Abbé Vincent, Aoste, imprimerie M. Aurel, 1856, (réimpression 1990, C.Lacour Nîmes).
(4) - Archives départementales : recensements Aouste 2MI 2842/R1.
(5) - Courriers concernant les cultes : Archives Communales : MN 24.
(6) - Délibération Conseil Municipal 22 septembre 1844.
(7) - Voir infra l’étude effectuée par l’association Histoire et Patrimoine Aoustois.
A Consulter :
- Relevés d’abjurations des protestants d’Aouste :
- http:// huguenots-France.org/France/dauphine/aouste/abjurations.htm
- http://pedagogie.ac-toulouse.fr/culture/religieux/ednantrevocation/htm
- Eugène Arnaud : Histoire des protestants de Crest, Ed. Grassart, Paris, 1875
- Mémoires de frères Gay de Die pour servir l’histoire des guerres religieuses en Dauphiné au XVIe s : Gallica.bnf.fr
Voir aussi la liste nominative, les motifs et les communes d’origine des condamnés aux galères : Musée du Désert, le mas Soubeyran à Mialet (30) et Musée du Protestantisme à Poët-Laval (26)
René Descours
Achat du terrain pour la construction du temple en 1835
Les Pasteurs ayant officié à Aouste
Le Dauphiné est une des régions de France où le protestantisme a laissé des traces profondes. La Drôme avait une tradition de contestation au pouvoir catholique. De ce fait la Drôme adhère aisément à la Réforme. Dès 1549, la Réforme est prêchée à Valence, à l’église des Cordeliers avec le soutien de l’évêque Jean de Montluc, à Montélimar et Romans
Dans la vallée de la Drôme, pour ce qui la concerne, Aouste était primitivement, au même titre que Euure, une annexe de Crest. Eurre sera adjointe à Aouste en 1671 avant d’être une église particulière.
Comme pasteurs officiant sur Crest-Aouste-Eurre nous trouvons :
- Laurent Vidal 1561,
- Arnaud Casaubon 1562-1568, puis 1570 -1572 (résidant à Eurre),
- Adrien Chamier I 1593 (à Eurre),
- Jacques Barbier 1594,
- Jean de Saignes 1600-1605,
- De 1605 à 1606 Crest était dépourvue de pasteur
- David Agard de Chateaudouble (par intérim) 1606,
- André Guérin 1607-1611,
- Jacques Crespe 1611,
- noble Dragon de Choméane 1612-1613,
- Josué Rossel le fils 1614-1616,
- Alexandre de Vinay 1617-1622,
- Jean Petit 1622 (ou 1626)-1630,
- Alexandre d'Ize ou d’Yze 1635-1642,
- Ennemond Reynaud 1660-1671,
- Isaac Sagnol, dit Lacroix, 1680-1683,
- Charles Gounon 1683
L’église d’Aouste fut longtemps, avec Eurre, une simple annexe de Crest. Dès 1620 elle possédait un temple, et en 1630 le conseil communal lui céda une partie du cimetière commun jusqu'à ce qu'elle fût pourvue d'un autre lieu pour enterrer ses morts. En 1660, elle avait un pasteur en propre Le même conseil ayant émis en 1646 la prétention de faire concourir les protestants à l'entretien de l'instituteur catholique, ces derniers s'y refusèrent, en faisant remarquer que déjà ils supportaient à eux seuls toute la charge de leur régent. Les commissaires exécuteurs de l'édit de Nantes de 1664 se divisèrent sur le maintien du droit d'exercice de l'église d'Aouste ; mais elle put en jouir jusqu'au 17 janvier 1684, alors que le conseil du roi , statuant sur le procès-verbal de partage des commissaires, ordonna la suppression de l'église.
Le 30 mars de la même année 1681, les catholiques d'Aouste, soutenus par quelques cavaliers de la compagnie du capitaine Longpré, se portèrent également de nuit contre le temple, en brisèrent les portes, enlevèrent les bancs, le tapis qui recouvrait la chaire, la Bible et les registres du consistoire et jetèrent le tout dans la Drôme, après avoir démoli une partie ds la muraille de l'édifice. Le marquis de Ruvigny, député général des églises réformées en cour, en porta plainte au roi, qui, prenant sa requête en considération, ordonna, par un arrêt du conseil du 19 mai 1681, que, par les juges du lieu, il serait informé de ces faits et le procès fait et parfait aux coupables, et fit en même temps « très-expresses défenses à toutes personnes de méfaire ni médire contre lesdits de la R. P. R., sur les peines portées par lesdits édits ". Mais ce n'était là qu'une vaine démonstration, à laquelle il ne fut donné aucune suite.
Dès que les protestants eurent appris le triste sort réservé à leur église, ils se mirent en devoir, craignant que leur temple ne fût rasé, d'en descendre la cloche pour la cacher en lieu sûr. Les consuls d'Aouste, qui leur étaient hostiles, les sommèrent sur l'heure d'attendre les ordres de l'intendant avant de disposer de leur cloche, et peu après il leur fut enjoint de la porter à la maison de ville. En 1683, sur ordre de Daniel de Cosnac intriguant évêque de Valence, les temples d’Aouste, Montclar, Vercheny, Bouvière, Saillans sont détruits. L'emplacement du temple, qui avait été adjugé avec les autres biens du consistoire à l'hôpital de Grenoble après la révocation de l'édit de Nantes, fut vendu par ce dernier, le 16 mars 1695 , à un nommé Gaspard, pour le prix de 30 livres. Mais comme l'intendant Bouchu avait, paraît-il, fait don dès 1687, de la part du roi, de cet emplacement aux catholiques pour bâtir une nouvelle église, le conseil communal en réclama la propriété à Gaspard, qui fut sans doute obligé de céder et de perdre ses 30 livres et les constructions qu'il avait déjà élevées sur ledit emplacement. En 1687 Aouste avait 70 familles protestantes et 60 en 1736. Piégros, qui s'y rattachait, en avait 6 à la première date. Cobonne faisait aussi partie de l'église d'Aouste.
Pasteurs :
- Daniel Chamier le fils en 1659
- Théodore de La Faye 1660,
- Abraham Achard 1664 ,
- Isaac Sagnol dit Lacroix 1664.
- Faisan 1671-1672,
- Entre 1672 et 1683 le pasteur de Crest officiait-il ?
- Ranc Alexandre le père dit Lacombe en 1775
- entre 1775 et 1883 ?
A la suite de la révocation de l’édit de Nantes (1685), et, à partir de 1715, les pasteurs ont dû quitter la France. Sous l’impulsion d’Antoine Court, un nouveau corps pastoral se constitue progressivement. Les pasteurs du Désert vont exercer leur ministère dans la clandestinité et au risque de leur vie. Les édits successifs de Louis XIV, confirmés par Louis XV dans sa déclaration de mai 1724 , prévoient la peine de mort pour les pasteurs ou prédicants qui tiendraient des assemblées interdites. L’application varie selon les périodes et selon les régions. Des vagues de persécution suivent des périodes de calme relatif. A partir de 1760, une période de tranquillité relative voit croître rapidement le nombre des pasteurs
Le 13 novembre 1833, Aouste est érigée en poste officiel et se voit rattacher Saou, Auriples, Soyans, Chabrillan, Celas, Mirabel et Blacons, Piégros La Clastre, Lambres, Divajeu, Francillon, Puy st martin comme annexes jusqu’au 18 avril 1846. Le premier titulaire fut P Servière né à Nimes le 30 mai1808.
- Servière Pierre 1834 – 1865
- Brun Pierre Edouard 1865 – 1867
- Roux Léon 1867 – 1871
- Gillouin Emile 1871 -1899
- Fallot Thomas (Tomy) 1899 – 1904
- Rambaud Jules 1905
- Marc Boegner 1905 -1911
- Roger Chapal 1936 -1946
Depuis 2017, le temple d’Aouste est désaffecté, le village ne possède plus de pasteur en titre, et de ce fait les offices sont assurés par le pasteur de Crest.
Intérieur du temple en 2020